Lundi 30 mars 2020 - Toulouse. Des chercheurs de l'Institute for Advanced Study in Toulouse, Science Po Paris et l'Université de York ont étudié la population française pendant les politiques de confinement de mars 2020. Leur étude suggère que les personnes âgées et les femmes sont plus susceptibles d'adhérer aux mesures, tandis que les extravertis et les partisans de l'extrême droite et de l'extrême gauche pourraient être plus enclins à se rebeller. Alors que les restrictions de Covid-19 se durcissent dans le monde entier, leurs conclusions donnent un aperçu de la réponse potentielle du public et peuvent contribuer à garantir que les mesures sanitaires sont efficacement ciblées.
Le taux d'infection et de mortalité de COVID-19 a obligé les gouvernements à mettre en œuvre une vague de mesures de santé publique, allant de simples règles d'hygiène sur le lavage des mains ou le serrage des mains à la distanciation sociale ou au confinement. "L'application d'un confinement est un énorme défi, en particulier pour les sociétés démocratiques", déclare Michael Becher, politologue à l'Institut d'études avancées de Toulouse. "Si l'on veut que les restrictions actuelles adoptées par les gouvernements du monde entier soient couronnées de succès, la coopération volontaire des citoyens est essentielle".
Au fur et à mesure de la propagation du virus, le gouvernement français a formulé un certain nombre de recommandations à l'intention de ses citoyens, dont la sévérité s'est progressivement accrue jusqu'au verrouillage imposé le 17 mars. Malgré de graves préoccupations pour la santé publique, des cas de désobéissance publique ont été fréquemment présentés dans les médias, conduisant les responsables gouvernementaux à exhorter, à plusieurs reprises, le public à respecter les mesures.
Michael Becher et ses co-auteurs Sylvain Brouard (Sciences Po) et Pavlos Vasilopoulos (Université de York) ont étudié les réponses individuelles des citoyens français aux recommandations sanitaires de COVID-19 en comparant leurs caractéristiques sociodémographiques et psychologiques.
S'appuyant sur les données précédemment collectées pour l'étude électorale nationale française (ENEF), un échantillon représentatif de 1 010 participants du panel de l'ENEF a été de nouveau interrogé les 16 et 17 mars. Il leur a été demandé s'ils avaient modifié leurs comportements quotidiens, notamment : "Se laver les mains" ; "Tousser ou éternuer dans le coude ou dans un mouchoir" ; "Serrer la main ou s'embrasser" ; "Se tenir à un mètre des autres personnes en dehors de chez soi" ; "Réduire les trajets" ; "Éviter les endroits bondés" ; "Rencontrer des amis".
Les résultats montrent que les personnes âgées et les femmes sont plus susceptibles de respecter les recommandations de santé publique. "Étant donné que le risque de mourir de la COVID-19 augmente avec l'âge, on pourrait s'attendre à ce que les personnes âgées soient plus susceptibles de respecter les mesures visant à arrêter la propagation du virus", déclare Michael, ajoutant que le respect des recommandations pourrait également être moins probable chez les jeunes, car ils ont une vie sociale plus active.
Les chercheurs s'attendent également à ce que l'éducation joue un rôle. Des recherches antérieures ont montré que les personnes instruites sont plus susceptibles d'être informées sur les affaires courantes. Ils peuvent donc être plus conscients des mesures, de leurs cibles, ainsi que de la menace que représente COVID-19. Cependant, cette étude française n'a trouvé aucun lien entre le niveau d'éducation et le respect de la politique de santé de COVID-19. Cela peut suggérer que le manque d'information n'est pas un facteur principal de non-conformité dans le contexte des campagnes intensives du gouvernement et des médias sur la question.
Les conclusions des chercheurs suggèrent également que la personnalité est un facteur important. Les personnes consciencieuses, qui ont tendance à être tenues par leurs devoirs, à travailler dur et à avoir un sens élevé de l'obligation, étaient plus susceptibles de respecter les mesures de santé publique.
Les extravertis, en revanche, étaient plus susceptibles de se rebeller. "Les personnes extraverties peuvent avoir plus de mal à perturber la sociabilité en se conformant à des mesures d'isolement, comme éviter les rassemblements publics ou les réunions avec des amis", déclare Michael. Il ajoute que l'une des caractéristiques attrayantes de leurs données est que les traits de personnalité des répondants ont été mesurés trois ans avant la crise actuelle, ce qui réduit la crainte que la corrélation ne reflète simplement une causalité inverse.
Des recherches antérieures ont montré que les individus qui se placent dans des extrêmes idéologiques ont tendance à être à la fois plus méfiants envers l'État et ses pouvoirs et plus enclins à soutenir des théories de conspiration. En conséquence, les chercheurs ont constaté que ceux qui s'identifient comme étant à l'extrême gauche ou à l'extrême droite étaient moins susceptibles de se conformer à la politique de santé sur COVID-19.
Cette étude fait actuellement l'objet d'un examen par des pairs, et Michael et ses collègues insistent pour que leurs résultats soient interprétés avec prudence. "La nature observatrice de nos données nous empêche de tirer des conclusions causales, et l'âge ou les traits de personnalité ne se prêtent pas directement à des interventions politiques", écrivent-ils. "Cependant, nos résultats fournissent des indications sur les fondements individuels de la conformité qui peuvent servir de base aux décideurs politiques pour évaluer l'efficacité de leurs mesures".
Les chercheurs suggèrent que leur travail puisse être développé en ajoutant des mesures comportementales de conformité et en menant de futures expériences sur l'effet de la surveillance et de la pression sociale. En outre, ils mènent des travaux de suivi pour répondre à certaines de ces interrogations et pour couvrir d'autres pays (par exemple, l'Allemagne et le Royaume-Uni).
Michael Becher est professeur de sciences politiques à l'Université Toulouse Capitole et à l'Institute for Advanced Study in Toulouse. Il a obtenu son doctorat à l'Université de Princeton et ses recherches portent sur différents volets de la politique démocratique et de l'économie politique. Ses travaux ont été publiés dans de grandes revues universitaires, telles que l'American Political Science Review ou l'American Journal of Political Science.
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